L’émergence de la relationnalité

Nb. Les chroniques proposées sur la page d’accueil sont en général de courts textes rapides à lire, illustrant la relationnalité. Depuis la refonte du site en aout 2011, je l’enrichis une fois par mois au minimum.

Chronique de août 2011 : l’émergence de la relationnalité

Alors que j’étais invité par des étudiants à définir en une phrase le métier d’éducateur, je répondais qu’il consiste à mobiliser les ressources des personnes fragilisées par la vie. Je me surpris à « lâcher » sans recul cette formule. Ce fut le point de départ d’une réflexion qui eut deux points d’appuis, le concept de don appliqué aux relations et mon expérience éducative influencée par l’approche systémique contextuelle (développée par Nagy Boszormenyi (Cf. lien avec fractale).

Une notion, la relationnalité, s’imposa progressivement. Je la définis comme une clinique des relations portée par un dialogue régulé par les composantes du don. La relationnalité met en perspective des questions qui traversent quotidiennement nos pratiques : comment donner et recevoir, chercher la confiance malgré la défiance, articuler l’attention à soi et le souci de l’autre, construire des relations fiables malgré nos limites… ? Comment approcher la justesse relationnelle en acceptant les nécessaires confrontations, conflits, défis, insoumissions, mais aussi l’alliance, la générosité, la sollicitude… ?

Son originalité est multiple. Tout d’abord, elle traduit les composantes du don dans leur perspective relationnelle grâce au dialogue. Outil privilégié de l’éducateur, le dialogue est par essence un mouvement entre soi et l’autre. Comme tout geste lorsqu’il relève du don, il peut apparaître sous deux formes – lier sans défier, défier pour lier –, se caractérise par trois verbes – donner, recevoir, donner à son tour – associé à quatre composantes – l’attention à soi et le souci de l’autre, la liberté et se sentir l’obligé de l’autre -. Sa mise en mouvement s’appuie sur cinq postures – oser la confiance, se laisser aller à la sollicitude, appliquer la réciprocité d’engagement, chercher la relance constructive, reconnaître son héritage relationnel.

Ensuite la relationnalité sollicite la clinique pour nourrir le dialogue. A travers les paroles échangées, les composantes du don se mêlent aux dynamiques intrapsychiques, aux histoires relationnelles, aux phénomènes communicationnels, aux sentiments, aux modes de pensée et d’élaboration, aux aspects culturels et aux valeurs de chacun. Dès lors la clinique devient nécessaire pour saisir ce qui pourrait faire fructifier la dynamique de don mais aussi ce qui la pervertit. Elle peut être entendue comme une attention à ce qui se lie et se noue entre plusieurs personnes dans un contexte d’échange, Elle est également regard sur soi engagé dans une relation source d’échange.

Enfin, la relationnalité ouvre à une posture éthique, elle permet au professionnel d’ajuster son intervention en engageant sa subjectivité dans un geste qui intègre la considération de l’autre.

La période de mutations sociétales dans laquelle nous sommes engagés nous conduit à bâtir de nouveaux modèles sur lesquels appuyer notre action. La relationnalité participe de ce mouvement. Elle fournit un modèle d’analyse et des outils d’intervention qui favorisent la mobilisation des ressources relationnelles des personnes et des groupes, et leur permettent d’agir sur leur vie.

En définitive, la relationnalité offre aux professionnels concernés par les métiers du lien :

  • l’opportunité de ne rien lâcher de l’humanisme qui fonde ses pratiques.
  • Une démarche d’intervention rigoureuse et simple à saisir, qui vise à mobiliser les ressources relationnelles des personnes en tenant compte de la singularité de chaque rencontre. Démarche qui permet de penser la bientraitance et qui offre un modèle de management alternatif (Cf. Don et management : de la libre obligation de dialoguer, L’Harmattan, 2008).
  • Un positionnement théorique qui ouvre à la complexité, parce qu’il s’enracine dans le don en sachant s’enrichir des autres disciplines, et parce qu’il décline depuis sa finalité jusqu’à l’action concrète, sa cohérence et son efficience.
  • Par un « vocabulaire » compréhensible et communicable à tous, la possibilité d’être plus aisément « reçue ».

Nb. cette note sera publiée également pour partie dans la lettre d’info de « Fractale » (voir liens)

 

 

 

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