Dans un court texte remarquable, Georges Levesque et Gérard Wiel[1] montrent pourquoi il est fondamental de distinguer socialisation et humanisation. Par là-même, ils facilitent indirectement une lecture de la relationnalité résolument positionnée du côté d’une « pratique d’humanisation ».
L’alerte de M.J. Sandel[2] montre l’urgence dans laquelle nous nous trouvons. Le rapport à l’argent permet de compenser la complexité de toute relation en évitant de s’y confronter ; on achète au lieu de « faire don » nous dit l’auteur. Il cite l’honneur, la conscience, la naissance d’un sentiment, la confiance, la solidarité, l’amour ou l’amitié… Toutes ces notions sinon ces valeurs sont au cœur d’une démarche de don comme j’ai tenté de le montrer dans Don et bientraitance.
Mais jusqu’à quand ? Car malheureusement nous explique M.J. Sandel, nous ne ferions plus société. Le socius signifiant l’associé, il resterait les nantis qui bénéficieraient de l’argent et garantiraient une « morale » et les démunis humiliés et se vendant pour survivre, réduits à une simple marchandise d’une société qui ne serait plus qu’un supermarché[3].
Jusqu’où devrons-nous aller avant de stopper ce mouvement autodestructeur dont j’ai pu constater l’effectivité : « Est-ce si grave que cela de coucher avec quelqu’un si je peux avoir un toit où dormir ou de quoi me payer de nouvelles fringues ? ». Le plus frappant dans la question de ce jeune en situation de prostitution et que j’accompagnais, c’est qu’il s’interrogeait sincèrement.
Prochaine chronique le 07 mars, de la socialisation à une pratique d’humanisation (suite)
[1] Georges Levesque et Gérard Wiel, Pratiquer l’humanité : de la socialisation à l’humanisation, Lyon, Chronique Sociale, avril 2014. Georges Levesque a enseigné la philosophie, Gérard Wiel a été formateur à l’IUFM de Lyon.
[2] Michael J. Sandel dans son dernier ouvrage : « ce que l’argent ne saurait acheter », Seuil, 2014. L’auteur, américain, est philosophe.
[3] In article du journal Libération du 13/11/2014.