Fonder le lien social sur un principe : Bien se soucier de l’autre en associant avec justesse l’attention à soi (7)

Qu’est-ce qui fait que nous nous soucions de l’autre, pourquoi, comment, jusqu’où… ? Quelle que soit la manière de poser la question puis de la traiter, il faudra lui associer inévitablement la question de soi. L’autre n’existe que parce que je le reconnais et je n’existe que parce que l’autre me reconnaît. Nous pouvons évidemment mettre à mal ce principe, par exemple nous soucier de l’autre sans lui laisser la possibilité de se soucier également de nous, ou bien encore masquer derrière un souci de l’autre apparent une seule attention à soi (je m’intéresse à l’autre uniquement parce que cela me fait du bien). L’homme est un être relationnel et tout ce qui appauvrit la relation affecte son humanité, un des enjeux majeurs posé par le don est de libérer un espace pour que le souci de l’autre et l’attention à soi se répondent sans cesse, s’envisagent ensemble pour s’enrichir l’un l’autre.

Le terme « Bien » renvoie à la propension à rechercher le bien, c’est-à-dire à éprouver ce qui nous élève en nous donnant paix et vitalité. Chacun a besoin d’être reconnu par l’autre dans ce qu’il souhaite, dans ce que qu’il tente, dans ce que qu’il réalise pour faire le bien, pour ainsi contribuer à la recherche de la « vie bonne » qu’énonçait P. Ricoeur dans sa définition de l’éthique.

Le souci de l’autre oblige à se décentrer de soi-même dans un contexte sociétal qui pervertit la relation, en la mettant au service du seul épanouissement individuel où l’autre est considéré potentiellement comme une gêne. Se soucier de l’autre traduit la conscience de soi en tant qu’être de relation. Et cette conscience de soi oriente l’attention à soi : « Comment puis-je mettre ce que je suis au service de l’autre » ?

La rencontre de nos subjectivités partagées, confrontées, éprouvées autour de règles relationnelles fondées sur la recherche d’un ressenti commun de « bien être » caractérise la « justesse ». Cette recherche n’est jamais aboutie, elle s’apprend quotidiennement à partir de ses tâtonnements, sources d’expériences relationnelles, découverte de l’autre en même temps que de soi, découverte de soi en même temps que de l’autre.

Parce qu’il s’adresse à des personnes vulnérables, à des blessés de la relation, l’éducateur trouvera dans ce principe un repère essentiel pour forger les outils de sa pratique.

prochaine chronique 11 janvier